La Federal Trade Commission est-elle libertarienne ? (par Jarod Bona)

Cet article a été écrit et publié sur le site Internet de Jarod Bona, The Antitrust Attorney (lien)
Sa traduction a été effectuée par Thibault Schrepel, créateur du Concurrentialiste

The original english version of this paper follows the french one

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La Federal Trade Commission est-elle libertarienne ? Probablement pas. Mais tout organisme gouvernemental qui dépose un amicus curiae dans le but de soutenir l’Institute for Justice dans une affaire portant sur des pratiques gouvernementales jugées anticoncurrentielles(1) mérite nécessairement quelques approbations libertariennes.

Si je devais nommer mon agence fédérale préférée, je choisirais la FTC. Je suis bien entendu en désaccord avec plusieurs de ses décisions, mais je dois reconnaitre que ses agents travaillent dur dans le but de freiner les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par le régulateur (ce terme sera ici employé pour désigner le régulateur au niveau de chaque État américain ainsi qu’au niveau local, comme peuvent l’être des groupements professionnels).

Aujourd’hui même, le 16 juillet 2014, Andrew Gavil, le Director of the Office of Policy Planning de la FTC, a témoigné devant la House Committee on Small Businesssur le thème de la « Concurrence et les Potentiels Coûts et Bénéfices des Licences Professionnelles »(2). Il s’agit d’une question que j’ai étudiée pendant de nombreuses années(3) et il faut là bien souligner la FTC a été et demeure le leader dans la protection de la concurrence contre les barrières à l’entrée inutiles qui sont créées par le régulateur.

Jetons un coup d’œil à la déclaration écrite d’Andrew Gavil qui s’exprimait au nom de la FTC (avec un vote à 5 contre 0)(4). Il y évoque les questions de concurrence relatives aux licences professionnelles délivrées par le régulateur, ainsi que les réglementations liées à certaines professions. Bien que l’existence de ces licences professionnelles a il est vrai quelques avantages, la FTC n’a pas manqué de soulever que de nombreuses restrictions qui ont pour principal effet d’entraver la concurrence et de créer des barrières à l’entrée y sont généralement liées.

La raison à cela est que le régulateur y a souvent un intérêt. « La réglementation peut être particulièrement problématique lorsque l’autorité de régulation est confiée à un conseil ‘indépendant’ réunissant des membres de la profession concernée ». Comme l’explique donc la FTC, « quand le renard est en charge du poulailler », les incitations financières des membres du conseil d’administration « peuvent le conduire à faire des choix réglementaires qui favorisent les membres de la profession au détriment de la concurrence et du public ». C’est un vrai problème.

La FTC considère ainsi que les « licences anticoncurrentielles d’accès à la profession » sont la traduction du « protectionnisme des membres en place dans l’industrie visée ». Et lorsque de nouvelles technologies facilitent l’apparition de nouveaux produits, de services, d’entreprises et de business models, « il n’est pas rare de rencontrer une réponse réglementaire aiguillonnée par les titulaires eux-mêmes qui érigent des barrières à l’entrée et ont pour effet de les ralentir ou de les limiter, et ce même lorsque la demande des consommateurs est prononcée. »

Cette dernière affirmation mérite réflexion. Il n’est pas rare qu’un concurrent ou un regroupement de concurrents génère des profits très importants en appliquant un business model novateur. Cette situation perdure généralement un certain temps sans qu’il ait besoin de trop innover. Et puis, une nouvelle technologie ou un nouveau business model apparaît et vient le menacer. Internet est chaque jour l’exemple de telles situations. Uber en est un excellent exemple(5). Or, l’industrie du taxi, avec l’aide de nombreux régulateurs, génère des profits supérieurs à la moyenne. Lors de l’arrivée d’un nouveau business model, les taxis comme tout opérateur déjà en place ont alors trois possibilités: (i) ils peuvent baisser ses prix, améliorer leurs produits ou leurs services ; (ii) ils peuvent également disparaître du marché ; (iii) et enfin, ils peuvent adopter un comportement anticoncurrentiel visant à augmenter les coûts des nouveaux entrants ou à élever les barrières à l’entrée du marché. Et l’histoire semble se répéter tant on peut couramment constater que la troisième option est souvent celle choisie.

Malheureusement, ces acteurs déjà en place qui préfèrent conserver leur mode de vie bien confortable plutôt que de faire concurrence aux nouveaux sont généralement proches du régulateur. Ils demandent donc quelques faveurs et le gouvernement les aide à constituer ces barrières à l’entrée. Ils adoptent parfois un comportement anticoncurrentiel sans l’aide du régulateur, mais il n’est bien souvent pas bien loin. On tombe alors dans le pire des scénarii où les consommateurs sont les grands perdants.

La Cour Suprême des États-Unis a accepté de considérer une affaire pour des faits de cette nature qui se sont produits en Caroline du Nord au sein du Comité de regroupement des dentistes de l’Etat(6). Je vous recommande vivement de lire les observations écrites que la FTC a rendue dans cette affaire. Tout amoureux de concurrence sera nécessairement impressionné. Ce que beaucoup ne réalisent pas est que la FTC, outre son activité de contrôle des concentrations et ces actions punitives, consacre de très larges ressources à la promotion même de la concurrence, notamment à travers de nombreux commentaires, déclarations, ateliers, rapports et amicus curiae. Et c’est précisément pour cette raison que la FTC est mon agence préférée.

 ————— Notes de bas de page :

  • (1) Saint Joseph Abbey, et al. v. Castille, et al. Challenging Louisiana’s Casket Cartel : lien
  • (2) Competition and the Potential Costs and Benefits of Professional Licensure, 16 July 2014 : lien
  • (3) J. BONA, The Antitrust Implications Of Licensed Occupations Choosing Their Own Exclusive Jurisdiction : lien
  • (4) FTC Testifies on How Professional Licensing and Regulation Can Affect Competition Before House Committee on Small Business : lien
  • (5) Kudos to the FTC for Supporting Uber in Washington, D.C., 2013 : lien
  • (6) North Carolina Board of Dental Examiners v. Federal Trade Commission : lien

 

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ENGLISH VERSION

Is the FTC a Libertarian Government Agency? Probably not. But any government agency that files an amicus brief supporting an Institute for Justice case challenging anticompetitive state action(1) deserves some libertarian props.

If I had to name a favorite government agency, I would pick the FTC. I don’t agree with many of their positions, of course, and have gone up against them before. But they work hard to rein in anticompetitive state and local conduct and that is meaningful. In those instances, they are champions of competition. These state and local boards shouldn’t violate the antitrust laws.

Today, Andrew Gavil, the Director of the Office of Policy Planning at the FTC, testified before the House Committee on Small Business on “Competition and the Potential Costs and Benefits of Professional Licensure.”(2) This is an issue that I have studied for many years(3) and the FTC has been and remains a leader in protecting competition from needless entry barriers by state and local boards.

Let’s take a quick look at Andrew Gavil’s written statement, which officially presents the views of the Federal Trade Commission by a 5-0 vote(4). The FTC’s statement discusses competitive issues relating to state and local licensing and regulation of occupations, trades, and professions. While such licensure can have benefits, the FTC has come across many restrictions that impede competition and raise entry barriers with little benefit.

The reason is that the decision-makers have a stake in the game: “Occupational regulation can be especially problematic when regulatory authority is delegated to a nominally ‘independent’ board comprising members of the very occupation it regulates.” As the FTC explained, when the “proverbial fox is put in charge of the henhouse,” the financial incentives of the board members “may lead the board to make regulatory choices that favor incumbents at the expense of competition and the public.” This is a real problem.

Indeed, the FTC views “anticompetitive occupational licensing” as “protectionism of current industry incumbents.” When emerging technologies facilitate new products, services, businesses and business models, “it is not unusual to see regulatory responses, spurred on by those very incumbents, which erect barriers to new business models and have the effect of slowing or barring their development, even when consumer demand for new models is pronounced.”

Let’s reflect on that last statement because it is hits on something that I consistently see as an antitrust lawyer. Putting aside the licensing context for a moment, it is quite common that an incumbent competitor or group of competitors will make a good living for many years with a certain business model. For whatever reason, they don’t need to change or are able to gently resist change for many years. Then, a new technology or business model develops that threatens them. The internet has spawned this story again and again. Uber is a great example(5). The taxicab industry, with the help of restrictive state and local laws in many instances, made above average profits. Then a new way of doing business arrives because of the some creativity, risk taking, and technology.

These incumbent competitors, in whatever industry, can react in three ways: (1) they can improve their prices, products, or services to better compete; (2) they can disappear; or (3) they can engage in anticompetitive conduct to raise their new rivals’ costs or raise entry barriers. I constantly see this story play out with incumbents choosing the third option—cowardice.

Unfortunately, these incumbents that would rather keep their cozy lifestyle than compete are often well-connected with state and local government. They call in some favors and the government helps them erect entry barriers. Sometimes they will engage in anticompetitive conduct without the government’s help. But sometimes the government is all that keeps them from disappearing or having to compete. This is worst-case scenario; competition and consumers lose out. The FTC is well-aware of this problem in the context of licensing boards. These incumbents on the board are privately interested in protecting their own practices and those of their professional colleagues. So they engage the machinery of the state to raise entry barriers and harm their upstart competitors.

The US Supreme Court accepted review on a case where exactly that happened—in North Carolina State Board of Dental Examiners v. FTC(6). I recommend that you read the FTC’s written remarks. If you love competition like I do, you will be impressed. What many people don’t realize is that the FTC, besides reviewing mergers and bringing enforcement actions, devotes a great many resources to competition advocacy, including comments, testimony, workshops, reports, and amicus briefs. This is why they are my favorite government agency.

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