Résultats de la « Grande Consultation » de droit de la concurrence

Pour (éventuellement) citer cette étude :
Grande Consultation de droit de la concurrence conduite par Dr. Thibault Schrepel, Revue Concurrentialiste, Mai 2017

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Chers lecteurs,

Vous avez été très nombreux parmi les 1.400 abonnés de la Revue Concurrentialiste a avoir participé à notre Grande Consultation de droit de la concurrence. Merci à tous, la diversité de vos horizons professionnels – avocats, universitaires, juristes, employés d’une autorité de concurrence… – ne fait jamais que confirmer l’intérêt pour ces questions !

Voici donc les résultats qui sont issus de vos votes, mais avant de dévoiler le détail de chacune des questions posées, permettez-moi de commenter plusieurs des grands enseignements qui semblent ressortir de cette consultation :

  • Sur les réformes à opérer :

    • Vous avez largement sollicité la création de nouvelles lignes directrices par l’Autorité de la concurrence. Dans une question ultérieure, vous avez estimé que les questions juridiques que pose le développement des nouvelles technologies nécessitent le plus ces lignes directrices, indice de la nécessité pour l’Autorité de clarifier ses positions sur de nombreux sujets clés en la matière.
    • Vous avez estimé, à près de 75% des votes, qu’il serait bon que l’Autorité de la concurrence – ainsi que la Commission européenne – crée une unité responsable d’identifier toutes les régulations/lois trop restrictives de concurrence.
    • Vous êtes 77% à penser que les conditions d’introduction de l’action de groupe (à la Française) sont trop restrictives.
    • D’une façon générale, vous estimez que les incitations de l’Autorité de la concurrence à mettre en place des programmes de conformité ne sont pas assez élevées. Vous précisez toutefois que la mise en place préventive de programmes de conformité ne devrait pas faire varier le niveau de la sanction.
    • En matière de contrôle des concentrations, vous avez estimé que l’Autorité devrait publier un handbook contenant tous les marchés pertinents retenus dans ses décisions. Vous avez également estimé que les conditions d’intervention des tiers sont trop peu claires et que l’Autorité pourrait renforcer ses demandes d’engagements.
  • Sur les pouvoirs des autorités de concurrence – notamment de l’Autorité de la concurrence :

    • Votre avis général sur les procédures négociées est partagé. Une petite moitié d’entre vous estime que les procédures négociées accroissent de trop la marge discrétionnaire des autorités, notamment par rapport aux opérateurs dominants.
    • Vous estimez toutefois que la nouvelle procédure de “transaction” est globalement positive, preuve s’il en est de l’accueil positif réservé aux réformes en matière de concurrence. 80% d’entre vous estiment également que le pouvoir d’auto-saisine consultative de l’ADLC est une bonne chose.
  • Sur la question des sanctions :

    • Vous êtes très partagé sur la nécessité d’instaurer des dommages et intérêts punitifs. Il en va de même quant au fait de savoir si les réductions de sanctions accordées au titre de la clémence sont trop généreuses. Vous estimez toutefois qu’il est absolument nécessaire de maintenir les réductions de sanctions pour les clémences de rang 2 et 3.
    • Une majorité d’entre vous estime qu’instaurer des sanctions pénales pour les dirigeants serait un excellent moyen de dissuasion. Dont acte ! Au-delà des sanctions pénales, une plus grande majorité encore estime que l’interdiction d’exercer des responsabilités similaires​ pour un dirigeant responsable de pratiques anti-concurrentielles est souhaitable.
    • Seulement 10% d’entre vous estiment que les sanctions imposées par l’ADLC sont globalement trop élevées, bien qu’un participant ait expressément soulevé la nécessité de “cesser de croire à l’efficacité des sanctions administratives”. Ce résultat d’ensemble est, je crois, quelque peu surprenant tant il me semble que les avocats ont coutume de dénoncer le niveau trop élevé des sanctions. Une moitié d’entre vous souhaite qu’elles soient ainsi augmentées tandis que l’autre moitié entend les garder au niveau actuel.
    • L’ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques prévoit que le juge puisse « solliciter l’Autorité de la concurrence afin d’obtenir des orientations sur l’évaluation du préjudice dont il est demandé réparation ». Vous êtes 67% à estimer que c’est une bonne chose.
  • En matière de nouvelles technologies, plusieurs points méritent d’être soulevés :

    • Les sujets qui vous intéressent le plus sont ceux 1/ liés aux nouveaux concepts (big data, algorithmes…) ainsi que 2/ ceux qui s’attachent aux nouvelles formations d’abus de position dominante.
    • Votre intérêt pour ces sujets vous a conduit à estimer que le droit de la concurrence actuel (en France, Europe et aux Etats-Unis) n’est pas adapté pour lutter contre les pratiques anti-concurrentielles sur les marchés technologiques (78% des votes).
    • De la même façon, vous êtes 79% à penser que les autorités de concurrence ne sont pas suffisamment spécialisées pour traiter de ces problématiques. Un travail doit être réalisé en ce sens, ce que vos votes indiquent sans la moindre ambiguïté.
  • Sur les différences de perception du droit de la concurrence.

    • Pour ceux d’entrevous travaillant en entreprise :
      • Le droit de la concurrence est pour vous une arme bien plus qu’il n’est une menace. A la bonheur !
      • Les opérations de visites et saisies inopinées font « peur » à 53% d’entre vous et les 47% restant estiment qu’elles sont trop peu nombreuses pour s’en inquiéter. À ce sujet, 83% d’entre vous estiment que la documentation (explications de l’Autorité, ouvrages, doctrine…) disponible en matière d’opérations de visites et saisies est trop peu compréhensible. Il y a donc encore du travail à faire en ce sens…
      • Confirmant le fait que le droit de la concurrence ne vous fait pas peur, une grande majorité d’entre vous estime que le risque de détection des cartels est inférieur à 15%.
    • Pour ceux d’entrevous travaillant en cabinet d’avocats :
      • Une moitié d’entre vous pense que les destructions de preuve sont pratiques courantes. L’autre pense au contraire qu’elle ne l’est pas.
      • Vous estimez également que le risque de détection des cartels est inférieur à 15%, mais notons toutefois que vous êtes moins à le penser que parmi les répondants qui travaillent en entreprise. Peut-être peut-on ainsi parler de déformation professionnelle ?!

Un grand merci renouvelé pour votre participation nombreuse,

Amicalement,
Thibault Schrepel

 

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Résultats détaillés de la Grande Consultation de droit de la concurrence

 

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